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Conversion et stockage électrochimiques

1. Piles et accumulateurs

1.a. Définition et exemples

Une pile électrochimique (battery en anglais) est un dispositif permettant de stocker l'énergie sous forme chimique et de la restituer sous forme électrique. La pile a été inventée par Volta en 1800. La pile de Volta était constituée d'un empilement de disques de zinc et de cuivre. Elle a joué un rôle très important dans le développement de l'électricité au début du 19 ième siècle (bien avant l'invention de l'alternateur).

Un accumulateur est une pile pouvant être rechargée par électrolyse.

Une pile (ou un accumulateur) est constituée de deux demi-piles, chacune comportant une électrode métallique plongée dans un électrolyte. Dans certains cas, il est nécessaire d'ajouter une jonction pour séparer les deux demi-piles tout en permettant le passage d'un courant ionique.

La figure suivante représente une pile en fonctionnement, débitant dans une résistance externe. L'anode, sur laquelle se déroule l'oxydation, est représentée à gauche. On note i l'intensité du courant électrique circulant de la cathode vers l'anode dans le circuit externe, et u la tension entre la cathode et l'anode, qui serait mesurée par un voltmètre.

pile.svgFigure pleine page

Dans l'électrolyte, le courant est sous forme ionique. Dans les électrodes et dans le circuit externe, il est sous forme électronique. La conversion électrochimique se fait sur la surface des électrodes. Dans la résistance externe, le champ électrique est dirigé de la borne plus (la cathode) vers la borne moins (l'anode). C'est le contraire dans l'électrolyte. Il y a en fait une différence de potentiel entre chaque électrode et l'électrolyte; dans l'électrolyte le potentiel est bien décroissant de l'anode vers la cathode.

Une pile est définie par ses deux réactions électrochimiques prépondérantes, d'une part l'oxydation anodique :

b1Red1ne-+a1Ox1(1)

d'autre par la réduction cathodique :

a2Ox2+ne-b2Red2(2)

Par exemple, dans la pile de Volta les deux réactions sont :

ZnZn2++2e-(3)2H2O+2e-H2+2OH-(4)

La réduction de l'eau a lieu sur l'électrode de cuivre. Les disques de zinc et de cuivre étaient séparés par un tissu imbibé d'une solution aqueuse acidifiée (acide sulfurique).

Les deux types les plus répandus de piles commerciales utilisées aujourd'hui sont

  • Pile Zn-MnO2 alcaline, une variante moderne de la pile Leclanchée, inventée en 1886.
  • Pile au lithium.

Les accumulateurs utilisés couramment sont :

  • Accumulateur au plomb (batteries de voitures).
  • Accumulateur Ni-Cd et Ni-MH (petits accumulateurs pour appareils électroniques).
  • Accumulateur aux ions Lithium (ordinateurs et téléphones portables, appareils photo, voitures électriques).

La figure suivante montre la coupe d'une pile zinc-bioxide de manganèse, appelée couramment pile alcaline.

pileAlcaline.svgFigure pleine page

Le zinc est sous forme divisée pour présenter une grande surface, formant un gel avec l'électrolyte aqueux, qui est une solution de KOH concentrée. La différence avec la pile de Leclanché, plus ancienne, est la présence de cet électrolyte alcalin, d'où le nom donné à cette pile.

L'oxydation anodique est celle du zinc :

Zn+2OH-ZnO+H2O+2e-(5)

Sur la cathode, le bioxyde de manganèse est réduit :

2MnO2+2H2O+2e-2MnOOH+2OH-(6)

La réaction globale de la pile est :

Zn+2MnO2+2H2OZnO+2MnOOH(7)

Une caractéristique importante de la pile est sa force électromotrice (f.é.m.), qui est la tension à ses bornes lorsque le courant est nul. Elle est maximale lorsque la pile est neuve, ou lorsque l'accumulateur est rechargé, puis elle décroît progressivement lorsque la pile débite. Par exemple, la force électromotrice d'une pile alcaline neuve est d'environ 1,5V.

On considère que la pile devient inutilisable lorsque sa f.é.m. passe en dessous d'une certaine valeur, 0,9V pour une pile alcaline. La quantité de charge débitée par la pile entre son début de vie et cet état est la capacité de la pile. La capacité est généralement donnée en mAh. La capacité est proportionnelle au volume de la pile. Pour une pile alcaline au format AA, elle est environ Q=2500mAh. En pratique, la capacité dépend de l'intensité du courant débité et de la température. Un fort courant et une faible température réduisent très fortement la capacité.

Il faut aussi noter que les piles, et surtout les accumulateurs, se déchargent lentement même si aucun courant n'est débité, en raison de réactions chimiques internes. Ce phénomène est appelé autodécharge. Les piles au lithium ont une autodécharge beaucoup plus faible que les piles alcalines.

1.b. Étude thermodynamique

Force électromotrice et enthalpie libre

Le système considéré est la pile, qui englobe les électrodes et l'électrolyte. On suppose qu'il évolue assez lentement pour que sa température et sa pression restent constantes. Soit une transformation élémentaire au cours de laquelle la pile fournit au circuit extérieur (par exemple une résistance R) un travail électrique δW. L'application des deux principes de la thermodynamique donne la variation d'enthalpie libre de la pile :

dG=-δW-TδSc(8)

Lorsque la pile se décharge dans le circuit externe avec un courant non négligeable, la transformation est irréversible donc :

dG<-δW(9)

La création d'entropie δSc augmente avec la vitesse des réactions électrochimiques, c'est-à-dire avec l'intensité du courant i. Considérons la limite d'une transformation réversible, c'est-à-dire la limite i0 :

dG=-δWrev(10)

Pour calculer cette variation d'enthalpie libre, on suppose que le seul phénomène à prendre en compte est la réaction globale de la pile :

b1Red1+a2Ox2a1Ox1+b2Red2(11)

À température et pression constantes, la variation d'enthalpie libre est proportionnelle à l'avancement de la réaction (11) :

dG=ΔrG(ξ,T,P)dξ(12)

où l'on a introduit la dérivée partielle de l'enthalpie libre par rapport à l'avancement, appelée enthalpie libre de réaction. La quantité de charge transférée entre les deux électrodes est liée à l'avancement par la loi de Faraday :

dq=nFdξ(13)

Cette charge électrique traverse la résistance R du circuit externe dans le sens du champ électrique puisque la différence de potentiel u est positive. Le travail qu'elle reçoit, qui est fourni par la pile, est donc :

δW=udq=unFdξ(14)

La tension u lorsque le courant tend vers zéro (lorsque la résistance R tend vers l'infini) est par définition la force électromotrice de la pile, appelée aussi tension à vide :

e=limi0u(15)

On obtient finalement une relation entre l'enthalpie libre de la réaction globale et la force électromotrice :

ΔrG(ξ,T,P)=-nFe(ξ,T,P)(16)

Une pile neuve (ou un accumulateur chargé) est loin de l'équilibre. Au cours de la décharge, l'avancement de la réaction augmente. Lorsque l'état d'équilibre est atteint, la pile est déchargée. La figure suivante montre l'évolution de l'enthalpie libre de la pile et de la force électromotrice en fonction de l'avancement.

courbesAvancement.svgFigure pleine page

La courbe représentant la f.é.m. en fonction de la quantité de charge débitée est la courbe de décharge.

La capacité maximale théorique de la pile est la quantité de charge débitée lorsque l'équilibre est atteint :

Qe=nFξe(17)

Pour une pile alcaline, la force électromotrice décroît progressivement au cours de la décharge. Pour une pile au lithium, la décroissance est très faible pendant presque toute la décharge et se fait seulement à l'approche de l'équilibre. Dans tous les cas, il y a en pratique une force électromotrice minimale emin en dessous de laquelle on ne descend pas, soit parce que la pile est alors inutilisable, soit parce que la technologie impose de ne pas décharger complètement (par exemple pour un accumulateur Li-ion). La quantité de charge Qp correspondante est la capacité pratique (ou capacité disponible), donnée par le constructeur pour une pile neuve ou un accumulateur neuf complètement chargé.

En pratique, la capacité dépend bien sûr de la tension emin adoptée pour la définir, mais aussi de l'intensité du courant. Une pile utilisée avec un appareil nécessitant plus de courant a une capacité plus faible, en raison de l'augmentation des phénomènes irréversibles.

Potentiel d'oxydoréduction d'un couple

Pour définir ce potentiel, on fait appel à une demi-pile virtuelle appelée électrode standard à hydrogène (ESH). Dans cette demi-pile, le couple est H+/H2 et les activités de H+ et H2 sont égales à 1. L'autre demi-pile est constituée d'un couple Ox2/Red2. Les deux réactions sont :

12H2=H++e-(18)a2Ox2+ne-=b2Red2(19)

On ne sait pas a priori dans quel sens se font les réactions (d'où le symbole égal). Soit U=U2-U1 la différence de potentiel entre les deux électrodes, à courant nul. U est la force électromotrice de la pile, éventuellement négative (si Red2 est oxydé). Le potentiel d'oxydoréduction du couple Ox2/Red2 est, par définition, la force électromotrice de cette pile :

EOx2/Red2eq=U2-U1(20)

Dans cette notation, l'exposant eq indique que les électrodes sont à l'équilibre, c'est-à-dire que le courant est nul (mais la réaction globale n'est pas à l'équilibre).

La réaction globale est :

n2H2+a2Ox2=nH++b2Red2(21)

La relation entre l'enthalpie libre de cette réaction et la f.é.m. de la pile est :

ΔrG=-nFEOx2/Red2eq(22)

On écrit alors l'enthalpie libre de la réaction en fonction de son enthalpie libre standard et des activités :

ΔrG=ΔrG0(T)+RTln(aRed2b2aOx2a2)(23)

Le quotient de réaction est en fait celui de la demi-équation de réduction du couple; il y a éventuellement d'autres espèces dans ce quotient. On en déduit la relation de Nernst donnant le potentiel d'équilibre du couple :

EOx2/Red2eq=EOx2/red20(T)+RTnFln(aOx2a2aRed2b2)(24)

Ce potentiel est mesuré lorsque la pile ne débite aucun courant, c'est-à-dire lorsque les électrodes sont à l'équilibre. Dans une courbe courant-potentiel, le potentiel d'équilibre (ou potentiel de Nernst) est celui de l'électrode lorsque le courant est nul.

Force électromotrice d'une pile

Le calcul des potentiels d'équilibre par la formule de Nernst permet d'obtenir la force électromotrice d'une pile. Pour la pile dans laquelle Red1 est oxydé à l'anode et Ox2 réduit à la cathode, la force électromotrice est :

e=EOx2/Red2eq-EOx1/Red1eq(25)

Dans le cadre plus général des réactions d'oxydoréduction, cette relation permet de savoir si une réaction se fait spontanément, c'est-à-dire si son enthalpie libre de réaction est négative : le potentiel du couple de l'oxydant doit être supérieur au potentiel du couple du réducteur.

Chaque potentiel dépend de la composition de la demi-pile correspondante, mais la différence des potentiels standard donne en général une évaluation assez précise de la force électromotrice :

eEOx2/Red20-EOx1/Red10(26)

Rendement d'une pile

Le travail électrique fourni par la pile lors d'une transformation à courant non nul s'écrit :

W=-ΔG-TSc(27)

Pour une évolution chimique donnée (ΔG donnée et donc charge débitée donnée), le travail est maximal lorsque l'évolution et réversible, c'est-à-dire en pratique lorsque le courant est très faible. En conséquence, plus le courant débité par la pile est grand, moins elle fournit de travail électrique (le reste est dissipé dans la pile). L'énergie électrique fournie par la pile provient de l'énergie chimique de ses constituants. L'énergie chimique libérée est -ΔH . La réaction globale d'une pile est exothermique car elle doit être très favorable à température ambiante, donc ΔH<0 . On définit le rendement de la pile comme la proportion d'énergie électrique récupérée par rapport à l'énergie chimique :

ε=W-ΔH=-ΔH+TΔS-TSc-ΔH=1+TΔS-ΔH-TSc-ΔH(28)

Le rendement est maximal lorsque l'évolution est réversible. Le rendement réversible est en général proche de 1 car le terme entropique TΔS est faible devant la variation d'enthalpie. Si ΔS>0 le rendement réversible est supérieur à 1 car dans ce cas une petite partie d'énergie est prélevée à l'air ambiant sous forme thermique pour être convertie en énergie électrique.

Pour savoir comment le rendement est diminué lorsqu'on augmente le courant débité, une étude cinétique est nécessaire.

1.c. Étude cinétique

La vitesse des transformations à l'intérieur de la pile intervient dès qu'elle débite un courant. La vitesse globale résulte de :

  • La vitesse du transfert de charge entre les espèces électroactives et les électrodes.
  • La vitesse des processus de diffusion au voisinage des électrodes.
  • La vitesse de migration des ions d'une électrode à l'autre (en particulier dans la jonction), qui réalise le courant électrique dans la pile.

Les courbes courant-potentiel permettent de prévoir le point de fonctionnement d'une pile mais il faut tenir compte de la chute de tension ohmique due à la résistance de l'électrolyte. Une courbe courant-potentiel idéale ne tient pas compte de cet effet.

courbes-IE-decharge.svgFigure pleine page

La courbe d'oxydation de Red1, qui a lieu à l'anode (borne négative), permet de voir l'influence du potentiel de cette électrode sur le courant. Lorsque la réaction est très lente, il y a un seuil de surtension η1o . La courbe de réduction de Ox2, qui a lieu à la cathode, permet de voir l'influence du potentiel de cette électrode sur le courant. Le point de fonctionnement de la pile s'obtient, pour une intensité i donnée, en remarquant que i=Ia=-Ic. La tension entre les deux électrodes est égale à la différence des potentiels moins la chute de tension due à la résistance de l'électrolyte (et de la jonction) entre les deux électrodes (notée re) :

u=E2-E1-rei=E2eq-E1eq+η2-η1-rei(29)

La force électromotrice est la tension à courant nul, égale à la différence des potentiels d'équilibre :

e=E2eq-E1eq(30)

Elle se calcule avec la relation de Nernst lorsque la composition de la pile est connue. La tension de la pile en décharge est donc :

u=e-(η1-η2)-rei(31)

La tension en décharge est toujours inférieure à la f.é.m. : u<e. Le terme η1-η2 est la chute de tension cinétique, due à la cinétique du transfert de charge et de diffusion au voisinage des électrodes. Il est souhaitable que les couples soient rapides car les seuils de surtension sont alors nuls et la chute de tension cinétique est très faible. Le terme rei est la chute de tension ohmique, due à la résistance de l'électrolyte entre les deux électrodes.

Les piles commerciales sont réalisées avec des couples rapides. La chute de tension cinétique est alors pratiquement proportionnelle à l'intensité du courant (η1-η2rci ) et on peut définir une résistance interne de la pile égale à la somme de la résistance de l'électrolyte et de la pente de la chute de tension cinétique : r=re+rc. On a alors :

u=e-ri(32)

Dans ce cas, la caractéristique courant-tension est linéaire. La pile peut être modélisée par une source idéale de tension en série avec une résistance.

La résistance interne est d'autant plus faible que la concentration en ions est grande et que ces ions sont mobiles dans l'électrolyte. D'autres facteurs interviennent, comme la taille des électrodes et la résistance de la jonction qui sépare les deux demi-piles.

Le courant de court-circuit est par définition le courant qui serait débité par la pile si u=0 :

icc=er(33)

En pratique, on ne doit jamais réaliser un court-circuit avec une pile ou un accumulateur, car cela peut provoquer une surchauffe très importante, voire sa destruction.

Le travail électrique fourni par la pile lorsqu'elle débite un courant d'intensité i pendant une durée Δt est :

W=uiΔt=eiΔt-ri2Δt(34)

Il est intéressant de faire le lien avec les grandeurs thermodynamiques :

-ΔG-TSc=eiΔt-ri2Δt(35)

Le travail réversible est Wrev=-ΔG=eiΔt. L'énergie dissipée par effet Joule dans l'électrolyte est égale à la température multipliée par l'entropie créée. Si les deux réactions sont rapides, la cause principale d'irréversibilité est la résistance de l'électrolyte. Si une des réactions est lente, son seuil de surtension contribue aussi à l'irréversibilité.

1.d. Caractéristiques électriques

Les caractéristiques électriques d'une pile ou d'un accumulateur les plus importantes sont :

  • La force électromotrice de la pile (ou tension à vide) lorsqu'elle est neuve, ou celle de l'accumulateur lorsqu'il est chargé.
  • La capacité.
  • La courbe de décharge, donnant la force électromotrice en fonction de la charge fournie.
  • La résistance interne.

Ces caractéristiques peuvent dépendre fortement de la température.

Le montage ci-dessous permet d'obtenir la courbe courant-tension d'une pile :

montage-IU.svgFigure pleine page

Le rhéostat permet de faire varier le courant débité par la pile. La résistance R permet de mesurer le courant. La résistance totale du circuit doit être au plus de quelques ohms, car la résistance interne de la pile est inférieure à 1Ω. Les tensions ur=Ri et u sont mesurées avec deux voltmètres ou avec une carte d'acquisition. Voici les résultats obtenus pour une pile alcaline AA, avec une régression linéaire pour obtenir la résistance interne :

figAfigA.pdf
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En pratique, une pile de ce type est utilisée avec des courants de quelques dizaines de mA et la chute de tension est de l'ordre du dixième de volt.

Voici une courbe de décharge d'une pile alcaline (usagée) :

decharge

Voici la courbe de décharge d'un accumulateur Ni-MH venant d'être rechargé :

decharge

et la courbe de courant correspondante :

decharge

La capacité de l'accumulateur relevée sur sa courbe de décharge est 1900mA⋅h. On remarque que la f.é.m. se stabilise à environ 1,2V et reste constante pendant presque toute la décharge. La valeur 1,2V est marquée sur l'accumulateur. Par comparaison, la pile alcaline a une décroissance beaucoup plus marquée de sa f.é.m.

Voici des documents détaillés sur les caratéristiques électriques des piles et accumulateurs :

2. Électrolyse et recharge d'un accumulateur

2.a. Étude thermodynamique

Considérons la réaction inverse de la réaction de décharge de la pile :

a1Ox1+b2Red2b1Red1+a2Ox2(36)

L'enthalpie libre de cette réaction est positive, ΔrG>0, donc elle ne se fait pas spontanément. La recharge de l'accumulateur, ou plus généralement une réaction d'électrolyse, consiste à brancher un générateur externe de manière à forcer la réaction dans un sens non spontané. Il s'agit de réaliser les deux réactions électrochimiques suivantes :

a1Ox1+ne-b1Red1(37)b2Red2a2Ox2+ne-(38)

Le générateur doit être branché de manière à apporter des électrons sur l'électrode où se trouve Ox1. Pour la recharge d'un accumulateur, la figure suivante montre le branchement du générateur de recharge.

recharge-pile.svgFigure pleine page

La borne plus de l'accumulateur, qui était la cathode lors de la décharge, devient l'anode lors de la recharge car l'oxydation de Red2 doit être réalisée sur cette électrode. Notons u la tension appliquée par le générateur. Le travail fourni par ce générateur s'exprime en fonction de cette tension et de l'avancement de la réaction (36) :

δW=udq=uFndξ(39)

Ce travail est reçu par la pile et les principes de la thermodynamiques s'expriment par la relation :

dG=δW-TδSc(40)

Faisons intervenir la f.é.m. de la pile (ou plus généralement de l'électrolyseur) avec la relation :

ΔrG=nFe(41)

Le signe est opposé à celui de la relation (16) car il s'agit de l'enthalpie libre de la réaction inverse (positive). Le travail fourni par le générateur s'écrit donc, pour une charge transférée dq :

δW=nFedξ+TδSc=edq+TδSc(42)

Ce travail est minimal lorsque la recharge est réversible, c'est-à-dire lorsque l'intensité du courant est nulle. Dans ce cas on a u=e. La tension à fournir pour faire une recharge réversible d'un accumulateur est égale à sa force électromotrice. En réalité, il faut bien sûr fournir un courant non nul pour effectuer la recharge, ce qui implique une tension u plus grande que la f.é.m..

Théoriquement, la recharge d'une pile est toujours possible. En pratique, des phénomènes physico-chimiques se produisant lors de la décharge rendent impossible le retour à un état de charge parfaitement identique à l'état initial. Au delà d'un certain nombre de cycles de charge-décharge, une pile perd une grande partie de sa capacité. Les accumulateurs sont des piles conçues de manière à supporter un grande nombre de cycles, typiquement plusieurs centaines.

2.b. Étude cinétique

Les courbes courant-potentiel des deux réactions électrochimiques permettent d'obtenir la tension à appliquer.

courbes-IE-recharge.svgFigure pleine page

Le point de fonctionnement s'obtient avec la condition i=Ia=-Ic. S'il s'agit d'une courbe courant-potentiel idéale qui ne tient pas compte de la résistance de l'électrolyte, il faut ajouter celle-ci. La tension appliquée s'écrit :

u=E2-E1+rei=E2eq-E1eq+η2-η1+rei=e+η2-η1+rei(43)

Lorsqu'on recharge un accumulateur, les réactions sont généralement rapides donc u=e+ri, où r est la résistance interne de la pile.

Dans le cas général d'une électrolyse, il est fréquent que les réactions électrochimiques soient lentes. Dans ce cas, la tension minimale à appliquer pour réaliser l'électrolyse est égale à la f.é.m. plus la somme des seuils de surtension :

umin=e+η2o-η1o(44)

Considérons l'exemple de l'électrolyse de l'eau. Elle peut se faire très simplement en laboratoire, à condition d'ajouter des ions pour augmenter la conductivité électrique de l'eau. On peut par exemple utiliser une solution d'acide sulfurique.

electrolyseH2O.svgFigure pleine page

L'eau est oxydée à l'anode, réduite à la cathode. La réaction globale est :

H2OH2+12O2(45)

Dans les conditions normales de température et de pression, cette réaction n'est pas spontanée. Elle est fortement endothermique. Le générateur force la réaction à se faire et fournit l'énergie nécessaire.

Pour étudier l'électrolyse de l'eau, considérons la courbe courant-potentiel obtenue avec un montage à trois électrodes, pour une solution d'acide sulfurique à 0,5mol⋅L-1 et avec une électrode de travail en platine :

figBfigB.pdf

La réduction cathodique est :

2H++2e-H2(46)

Dans la partie anodique, il y a oxydation de l'eau :

H2O12O2+2H++2e-(47)

Le pH de la solution est très proche de zéro. En supposant des pressions partielles en hydrogène et en oxygène de l'ordre de 1 bar, les potentiels d'équilibre peuvent être estimés à 0,0V pour le couple H+/H2, à 1,23V pour le couple O2/H2O. On voit donc que la réduction de l'eau sur le platine est très rapide. En revanche, l'oxydation de l'eau est très lente, avec une surtension pour déclencher la réaction de l'ordre de 0,5V. En conséquence, la tension minimale à appliquer pour effectuer l'électrolyse de l'eau sur des électrodes de platine est d'environ 1,8V. L'électrolyse de l'eau est utile pour produire du dihydrogène. Pour obtenir un taux de production important, il faut une intensité de courant importante. Si un courant constant est maintenu pendant une durée Δt, l'énergie fournie par le générateur est :

W=uiΔt=(e+η2-η1)iΔt+rei2Δt(48)

L'énergie dissipée par effet Joule dans l'électrolyte constitue une perte d'énergie qui vient limiter le rendement de la conversion électro-chimique. Il convient donc de réduire au maximum la résistance de l'électrolyte. Dans les électrolyseurs industriels, on emploie des concentrations très élevées et on évite si possible la séparation des deux compartiments. En ce qui concerne la recharge d'un accumulateur, le rendement de la conversion est meilleur si la recharge se fait à faible courant (mais elle est plus longue). Par ailleurs, les recharges à faible courant augmentent le nombre de cycles de charge-décharge qu'il est possible d'effectuer.

2.c. Rendements faradique et énergétique d'une électrolyse

Le rendement faradique d'une électrolyse est le rapport du nombre de moles du produit désiré réellement obtenu par le nombre de moles du produit désiré qui serait idéalement obtenu. Ce rendement peut être inférieur à 1 lorsqu'un produit indésirable s'est formé.

Le rendement énergétique est le rapport de la variation d'enthalpie chimique par l'énergie électrique fournie par le générateur.

Le montage suivant permet de mesurer les rendements faradique et énergétique de l'électrolyse de l'eau. Les électrodes sont en platine. La solution aqueuse contient 0,5mol⋅L-1 d'acide sulfurique (H2SO4). Deux tubes gradués permettent de récupérer les gaz produits aux deux électrodes et d'obtenir leur volume.

electrolyse-eau.svgFigure pleine page

L'alimentation est réglée en stabilisation courant. L'intensité i est mesurée précisément avec un ampèremètre. La tension U(t) entre les deux électrodes est enregistrée avec une carte de conversion analogique-numérique. L'intensité i est maintenue constante par le générateur mais la tension U(t) peut varier au cours du temps (en réalité les variations sont très faibles).

Les deux tubes sont initialement complètement remplis de la solution acide. Notons Δt la durée de l'électrolyse, à l'issu de laquelle on relève les volumes V1 et V2.

L'objectif de cette électrolyse est de produire du dihydrogène, qui se forme à l'électrode 2 (cathode) selon la réaction :

2H++2e-H2

Si l'on suppose que cette réaction est la seule réaction de réduction, le nombre de moles de dihydrogène formées est :

ξ=Q2F=iΔt2F(49)

Le volume de dihydrogène relevé (V2) permet de calculer le nombre de moles effectivement produites avec la loi des gaz parfaits :

n=PV2RT(50)

Le rendement faradique est n/ξ . Dans le cas de l'électrolyse d'une solution d'acide sulfurique, ce rendement vaut en principe 1 car aucune autre espèce que l'eau ne peut être réduite (à part le dioxygène dissous dont la concentration est très faible).

Pour déterminer le rendement énergétique, il faut considérer la réaction globale :

H2OH2+12O2

L'enthalpie standard de cette réaction est : ΔrH=286kJmol-1 . La variation d'enthalpie du système chimique peut être estimée à ΔH=nΔrH car les réactifs et produits sont pratiquement dans l'état standard. L'énergie fournie par le générateur est :

W=0ΔtiU(t)dt(51)

Si la tension U(t) est constante pendant l'électrolyse, on a simplement W=iUΔt. Le rendement énergétique est :

ε=ΔHW

La question du rendement énergétique de la synthèse du dihydrogène par électrolyse a une grande importance car le dihydrogène est utilisé comme combustible dans les piles à combustible. Sa synthèse par électrolyse peut être considérée comme la recharge d'une pile à combustible. Le rendement énergétique est d'autant plus petit que l'intensité du courant est grande. Expérimentalement, on constate en effet que la tension U augmente avec le courant.

Voici les résultats expérimentaux. Pour une intensité i=211,5mA appliquée pendant Δt=744s , la tension vaut U=4,2V. Les volumes relevés sont V1=10,2±0,1mL et V2=20,5±0,1mL . Le nombre de moles de dihydrogène formées est donc n=0,82mmol. Par ailleurs ξ=iΔt/(2F)=8,210-4mol . Le rendement faradique est donc, comme prévu, égal à 1. Par ailleurs, le volume de dioxygène produit est bien la moitié de celui du dihydrogène, ce qui montre qu'aucune autre espèce que l'eau n'a été notablement oxydée (l'ion sulfate est un candidat). L'énergie fournie par le générateur est W=661J. La variation d'enthalpie chimique est Δ H=235J. Le rendement énergétique est donc ε=0,35. Les pertes d'énergie sont causées par les surtensions cinétiques (très grande pour l'oxydation de l'eau) et par la surtension ohmique, due à la résistance de la solution. Pour augmenter le rendement sans changer l'intensité du courant, il faut augmenter la concentration de la solution d'acide et ainsi réduire sa résistivité.

Les courbes courant-potentiel relatives à cette cellule d'électrolyse sont obtenues en plaçant une électrode de référence entre les deux électrodes de platine.

electrolyse-eau-courbesIE.svgFigure pleine page figC.svgFigure pleine page

L'électrode de référence étant placée exactement à mi-chemin entre les deux électrodes, ces courbes permettent de déterminer le point de fonctionnement sans ajouter la chute de tension due à la résistance de l'électrolyte. En effet, la différence de potentiel entre ET et EREF lorsqu'il y a oxydation (i>0) est identique à la différence de potentiel entre CE et EREF lorsqu'il y a réduction i<0. Pour I=50mA, on lit sur la courbe un potentiel de 2,3V pour l'anode et de -0,25V pour la cathode, soit une différence U=2,55V. Cette tension comporte la surtension cinétique et la surtension ohmique, car cette dernière est bien incluse dans les courbes établies de cette manière.

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