L'objectif de cette page est d'établir les équations différentielles du mouvement d'un solide indéformable, dans le but de faire leur intégration numérique. On se limite au cas où les forces agissant sur le solide sont connues a priori. Ces forces peuvent être non conservatives.
La méthode exposée ici consiste à utilise la matrice rotation qui définit l'orientation du solide dans l'espace. Elle peut s'appliquer aux problèmes de gyroscopes, éventuellement avec frottements, et aux mouvements dans un fluide. La méthode peut être utilisée en dynamique moléculaire, pour la simulation des molécules rigides.
Dans le cas d'un mouvement comportant des degrés de liberté de translation, le théorème de la résultante cinétique permet d'écrire l'équation du mouvement du centre de masse :
Lorsque la résultante des forces extérieures est connue, l'intégration de ces 3 équations différentielles du premier ordre se fait en ajoutant l'équation suivante :
En projection sur une base orthonormée, nous avons donc un système différentiel de la forme y'=f(y,t) comportant 6 équations.
Le mouvement d'un solide ayant un point fixe ou le mouvement dans le référentiel du centre de masse se fait avec 3 degrés de liberté de rotation. Dans les deux cas, l'équation du mouvement de la rotation est obtenue avec le théorème du moment cinétique (en un point fixe ou au centre de masse) :
Soit O le point fixe du mouvement. On note Oxyz un repère cartésien lié au référentiel dans lequel le mouvement du solide est étudié; on l'appellera repère d'espace. On définit également un repère lié au solide Oxsyszs.
Les composantes d'un vecteur forment une matrice colonne (3x1). On désignera par une lettre minuscule ce type de matrice. Par exemple, σ désigne la matrice colonne des composantes du moment cinétique dans le repère d'espace et σs désigne les composantes du même vecteur dans le repère du solide.
Les composantes d'un tenseur de rang 2 forment une matrice (3x3) qui sera désignée par une lettre majuscule. Par exemple T désigne les composantes du tenseur d'inertie dans le repère d'espace et Ts les composantes du même tenseur dans le repère du solide.
Soit xi la matrice (3x1) des coordonnées d'un point particulier du solide (indice i) dans le repère d'espace et xis ses coordonnées dans le repère du solide. La rotation du solide est donnée par une matrice (3x3) Q orthogonale [1] :
La matrice Q est orthogonale; elle vérifie :
Comme il s'agit d'une rotation, le déterminant de Q est +1.
La matrice Q sera choisie pour représenter la position à tout instant du solide. Cela correspond à 9 paramètres alors que 3 sont en principe suffisants pour décrire l'orientation du solide dans l'espace. Par exemple, les 3 angles d'Euler définis plus loins définissent cette orientation. Cependant, les angles d'Euler conduisent à des équations différentielles difficiles à intégrer numériquement. Par ailleurs, la matrice Q permet d'obtenir rapidement les coordonnées d'un point quelconque du solide. Elle peut être fournie directement à un programme de visualisation pour obtenir une représentation graphique de l'objet.
En dérivant l'équation (4) par rapport au temps :
où Ω est la matrice vitesse angulaire. Pour une rotation infinitésimale du solide pendant l'intervalle de temps dt, le déplacement d'un point est :
La rotation infinitésimale est donc donnée par la matrice orthogonale . La condition d'orthogonalité s'écrit :
En inversant la rotation infinitésimale, on obtient :
La comparaison des deux équations précédentes montre que la matrice Ω est antisymétrique :
On posera donc :
Le vecteur vitesse angulaire est le vecteur dont les composantes sur le repère d'espace sont :
Les composantes de la vitesse s'expriment alors comme un produit vectoriel de deux matrices colonnes :
La matrice vitesse angulaire est en fait la matrice des composantes d'un tenseur antisymétrique de rang 2. Ses composantes dans le repère du solide sont données par la matrice :
Avec l'équation (6), on en déduit :
Considérons les composantes du moment cinétique (au centre de masse ou en un point fixe) sur le repère d'espace et sur le repère du solide :
En dérivant par rapport au temps :
Le théorème du moment cinétique s'écrit en projection sur le repère d'espace :
où n désigne la matrice colonne (3x1) des composantes du moment des forces extérieures dans le repère d'espace.
Les composantes du moment des forces dans le repère du solide sont données par :
Le théorème du moment cinétique s'écrit donc :
D'autre part :
On obtient finalement l'équation suivante :
qui s'écrit aussi avec les composantes du vecteur vitesse angulaire dans le repère du solide :
Le moment cinétique s'exprime en fonction du vecteur vitesse angulaire par le tenseur d'inertie. Dans le repère lié au solide, on a :
où Ts est la matrice des composantes du tenseur d'inertie au point O considéré pour le moment cinétique (centre de masse ou point fixe). On choisit à présent le repère (Oxsyszs) constitué par les axes propres du tenseur d'inertie. On désigne ces trois axes par les indices 1,2,3. Les moments d'inertie par rapport aux axes propres sont notés Ik. L'équation (23) conduit alors aux équations d'Euler :
Les équations d'Euler associées à l'équation (15) permettent de définir un système différentiel du premier ordre. Notons qij les éléments de la matrice Q. L'équation (15) conduit aux 9 équations différentielles suivantes :
Les 12 équations (25) à (36) constituent un système différentiel du premier ordre pour les 12 variables qij et ωk. Les composantes du moment des forces extérieures sont soit évaluées directement sur le repère du solide, soit d'abord calculées sur le repère d'espace puis converties avec la relation
Remarquons que les 3 degrés de libertés nécessitent en principe 6 équations du premier ordre. Nous avons donc ici 6 équations redondantes. Cependant, la méthode offre l'avantage de fournir directement la matrice de la transformation orthogonale. De plus, la condition d'orthogonalité de Q pourra être vérifiée pendant l'intégration numérique, ce qui donne un moyen de contrôler la précision du calcul.
Voyons à présent comment définir les conditions initiales avec les angles d'Euler.
Les angles d'Euler permettent de décomposer la transformation orthogonale Q en trois rotations. Considérons les repères R=(Oxyz) et Rs=(Oxsyszs) initialement confondus. On fait tout d'abord tourner le repère Rs d'un angle autour de l'axe Oz. La matrice de rotation correspondante est :
La seconde transformation est une rotation d'un angle θ autour de l'axe Oxs :
Pour finir, on fait tourner Rs d'un angle ψ autour de l'axe Ozs :
La matrice Q, qui par définition permet de calculer les coordonnées d'un point dans le repère R en fonction de ses coordonnées dans le repère du solide Rs est :
Calculons cette matrice avec Mathematica :
Q=RotationMatrix[phi,{0,0,1}].RotationMatrix[theta,{1,0,0}].RotationMatrix[psi,{0,0,1}]
Les angles d'Euler peuvent être utilisés pour définir les valeurs initiales des éléments qij de la matrice Q. D'autre part, ces angles peuvent être calculés au cours de l'intégration en fonction des qij, ce qui peut être utile pour calculer certains moments de force ou pour suivre le mouvement du solide.
Les valeurs initiales du vecteur vitesse angulaire dans le repère du solide sont obtenues avec la relation :
Q = Q/.{phi->phi[t],theta->theta[t],psi->psi[t]}; OmegaS = Simplify[Transpose[Q].D[Q,t]]
On constate que les composantes du vecteur vitesse angulaire dans le repère du solide s'expriment en fonction des dérivées des angles d'Euler par la relation :
où la matrice A est :
A={{Sin[theta[t]]*Sin[psi[t]],Cos[psi[t]],0},{Cos[psi[t]]*Sin[theta[t]],-Sin[psi[t]],0},{Cos[theta[t]],0,1}}
La donnée des angles d'Euler initiaux et de leur vitesse angulaire initiale permet donc de calculer les valeurs initiales des variables ωsk.
Inversement, on peut exprimer les dérivées des angles d'Euler en fonction des composantes de la vitesse angulaire dans le repère du solide :
La matrice inverse de A est :
invA=Simplify[Inverse[A]]
Les 3 équations (44) et les équations d'Euler (25,26,27) forment un système différentiel de 6 équations du premier ordre pour les angles d'Euler et les composantes de la vitesse angulaire dans le repère du solide. La matrice ci-dessus a toutefois l'inconvénient de ne pas être définie pour θ=0 et θ=π. L'intégration numérique de ces équations différentielles pose des problèmes au voisinage de ces valeurs particulières de θ. C'est pourquoi il est préférable d'utiliser la matrice rotation comme expliquée précédemment. Les angles d'Euler sont utilisés seulement pour obtenir la condition initiale.