L'aiguille aimantée de boussole a été utilisée au début du 19ième siècle pour étudier les variations du champ magnétique terrestre (en direction et en intensité) d'un point à l'autre du globe. C'est ainsi que le géographe et explorateur allemand A. von Humboldt a pu établir (1799) les premières cartes géomagnétiques. Sa méthode consistait à mesurer la période d'oscillation de l'aiguille autour de sa position d'équilibre. La fréquence étant proportionnelle à la racine carrée du champ magnétique, il a pu obtenir des cartes donnant l'intensité du champ relative à un lieu de référence. En 1832, le mathématicien C.F. Gauss a inventé une méthode permettant d'obtenir la valeur absolue du champ magnétique, qui a permis à von Humboldt d'améliorer considérablement la qualité de ses cartes géomagnétiques et à Gauss de faire une étude approfondie du champ magnétique terrestre.
On s'intéresse à l'étude expérimentale du mouvement de rotation d'une aiguille aimantée de boussole dans le champ magnétique terrestre. Le mouvement de l'aiguille a été enregistrée dans une vidéo à 120 images par secondes. La trajectoire a été extraite au moyen d'un logiciel d'analyse cinématique.
Pour étudier le mouvement de la boussole, nous allons appliquer les techniques de traitement du signal utilisées dans les différents TP précédents : analyse spectrale, filtrage, dérivation. On effectuera en particulier un étalonnage qui permettra d'utiliser la boussole comme instrument de mesure de champs magnétiques très faibles (dizaine de microtesla).
L'aiguille est posée sur une pointe verticale, ce qui lui permet de tourner autour d'un axe vertical avec très peu de frottement.
Figure pleine pageOn note m le moment magnétique de l'aiguille et J son moment d'inertie. Si l'on suppose qu'il n'y a pas de frottement, l'équation du mouvement angulaire est l'équation du pendule :
En réalité, il y a bien sûr un frottement qui réduit progressivement l'amplitude des oscillations.
Une caméra est fixée au dessus de la boussole, son axe optique confondu avec l'axe de rotation. La vidéo ci-dessous est prise à une cadence de 120 images par secondes à la résolution de 640 par 480. Lorsque la vidéo est lue à vitesse normale, on voit le mouvement ralenti d'un facteur 4. Le champ magnétique terrestre est colinéaire à l'axe horizontal du papier millimitré, dirigé de la gauche vers la droite. Le grand bord de l'image a été aligné avec cette direction. La durée réelle de la vidéo est 79 secondes, ce qui fait une lecture de 5 minutes et 19 secondes en vitesse normale.
Le logiciel Kinovea est utilisé pour extraire de la vidéo le mouvement de la boussole.
On choisit de suivre la trajectoire de l'anneau situé sur le pôle sud de la boussole. Le premier point sélectionné sert d'origine des coordonnées. On commence donc par sélectionner le centre de la boussole pour que l'origine coïncide avec l'axe de rotation. On fait défiler deux ou trois images puis on déplace la sélection vers l'anneau. On obtient alors la représentation suivante :
Une fois l'anneau sélectionné, on lance la lecture de la vidéo en continu pour faire le suivi de la trajectoire.
Les données sont exportées sous forme de fichier texte : CIMG5043.txt. Le temps est en millisecondes, les coordonnées en pixels.
from matplotlib.pyplot import * import numpy import math import cmath import numpy.fft import scipy.signal import StringIO
On commence par lire les données dans le fichier texte. Les virgules doivent être converties en points. On saute les deux premières lignes du fichier. Pour chaque colonne, on enlève les 5 premières valeurs, qui correspondent à un marqueur situé au centre de la boussole.
s = open('CIMG5043.txt').read().replace(',','.') data = numpy.loadtxt(StringIO.StringIO(s),skiprows=2,unpack=True) debut = range(5) t=numpy.delete(data[0],debut) x=numpy.delete(data[1],debut) y=numpy.delete(data[2],debut)
Pour obtenir l'angle, on crée un tableau avec des nombres complexes afin d'en extraire l'argument. Comme la position d'équilibre de l'anneau se trouve à gauche de l'image, on change le signe de x.
angle = numpy.angle(-x+1j*y)
Tracer l'angle en fonction du temps.
Observer des détails de la courbe. Noter la présence du bruit de quantification. Expliquer ce phénomène, sachant que les cooordonnées (x,y) sont des valeurs entières correspondant aux indices des pixels.
On utilise la méthode de calcul du spectre étudiée dans les TP Analyse spectrale des signaux périodiques. Dans le cas présent, le signal n'est pas périodique. Nous allons voir comment l'analyse spectrale permet d'extraire des informations sur la pseudo-période des oscillations.
Obtenir et tracer le spectre du signal en utilisant tous les échantillons. Noter la résolution fréquentielle de ce spectre.
Pour affiner l'analyse, tracer le spectre de la première moitié des échantillons, puis celui de la seconde moitié. Quelle est la résolution spectrale ?
En déduire la période pour les petites amplitudes d'oscillation, avec son incertitude.
Au lieu où l'expérience est réalisée, le champ magnétique terrestre peut être estimé (Earth magnetic field) à
Déterminer le rapport m/J avec son incertitude.
Calculer la dérivée de l'angle en utilisant un filtre de réponse impulsionnelle (1,-1)
Tracer la courbe et remarquer l'effet du bruit de quantification sur le résultat.
Observer en particulier la vitesse vers la fin du mouvement. Expliquer.
On voit ainsi que la dérivation amplifie considérablement le bruit du signal. Dans le cas présent, il s'agit d'un bruit de quantification, tout aussi néfaste qu'un bruit analogique
Il est donc nécessaire d'effectuer un filtrage passe-bas avant de dériver le signal. Pour cela, on utilise un filtre passe-bas identique à celui étudié dans les TP filtre numérique réducteur de bruit.
La réponse impulsionnelle d'un filtre passe-bas peut être obtenue de la manière suivante :
P=30 fc=5.0/120 h = scipy.signal.firwin(numtaps=2*P+1,cutoff=[fc],nyq=0.5,window='hamming')
Il faudra bien sûr ajuster l'indice de troncature P et la fréquence de coupure pour obtenir un résultat optimal.
Effectuer le filtrage passe-bas. Tracer le signal avec le signal filtré sur la même figure. Ajuster si nécessaire les paramètres du filtre.
Effectuer la dérivation du signal filtré et comparer au résultat précédent.
Tracer la vitesse angulaire en fonction de l'angle (trajectoire dans l'espace des phases). Ajuster les paramètres du filtre pour obtenir une courbe régulière, sans filtrage excessif.
On se propose de déterminer un modèle de frottement et de le confronter à la courbe donnant l'angle en fonction du temps. Pour cela, on commence par définir un frottement linéaire par rapport à la vitesse. L'équation différentielle sera intégrée numériquement avec la fonction scipy.integrate.odeint.
Définir numériquement les différents paramètres du modèle et définir le système différentiel du premier ordre à résoudre. Effectuer l'intégration numérique.
Tracer sur la même figure la courbe expérimentale et la courbe obtenue par intégration numérique. Ajuster les conditions initiales et le coefficient de frottement pour obtenir visuellement le meilleur accord possible. Il faudra éventuellement modifier le modèle de frottement.
Lorsque l'intensité B du champ magnétique terrestre n'est pas connue, la mesure de la fréquence des oscillations de la boussole ne donne accès qu'au rapport mB/J. En utilisant une aiguille de forme régulière (par exemple un barreau cylindrique), on peut calculer son moment d'inertie J. On peut aussi le mesurer par une méthode de fil de torsion. On a ainsi accès au produit mB.
En 1831, le mathématicien C.F. Gauss (1777-1855) a mis au point, en collaboration avec le physicien W.E. Weber (1804-1891), une méthode permettant de déterminer le moment magnétique de l'aiguille, et d'avoir ainsi accès au champ magnétique terrestre de manière absolue, c'est-à-dire exprimé à l'aide d'unités de base (mètre, seconde, etc). Nous allons voir le principe de leur dispositif.
L'aiguille aimantée dont on cherche le moment magnétique m (aiguille 1) est utilisée pour dévier légèrement l'orientation d'une autre aiguille (2), initialement alignée avec le champ magnétique terrestre. La disposition des aiguilles est montrée sur la figure ci-dessous :
Figure pleine pageSur la figure, la taille des aiguilles est exagérée par rapport à leur distance. En réalité, les aiguilles sont très éloignées et l'angle de déviation θ est très faible. Cet angle était mesuré avec un dispositif comportant un miroir plan fixée sur l'aiguille (2) et un télescope d'observation situé à quelques mètres.
Le calcul repose sur la connaissance du champ magnétique créé par un dipôle sur son axe :
Remarque : on utilise ici le système d'unités international. Du temps de Gauss, il n'y avait pas de constante μ0/4π.
Montrer que ce dispositif permet d'obtenir le rapport B/m.
Pourquoi est-il important que l'angle de déviation soit faible ?
Expliquer pourquoi le texte publié par Gauss était intitulé mesure de l'intensité absolue du champ magnétique terrestre. Quelle est la nouveauté par rapport aux mesures de champ terrestre effectuées jusqu'alors ?
Faire un schéma du dispositif à télescope et expliquer son fonctionnement.
Dans le dispositif de Gauss et Weber, l'aiguille pivotante était en fait suspendue par un fil de soie, et non pas posée sur une pointe. Comment la présence d'un couple de torsion du fil modifie-t-elle les résultats ?