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TP 18 : Polarisation de la lumière

1. Lumière non polarisée

Une lumière parfaitement monochromatique est polarisée. Si le champ électrique a une direction constante, la polarisation est rectiligne. De manière générale, une onde monochromatique possède une polarisation elliptique, car son champ électrique tourne dans le plan transversal en décrivant une ellipse, qui éventuellement se réduit à une droite. La polarisation circulaire est un cas particulier de polarisation elliptique.

La lumière des raies d'émission des gaz est quasi monochromatique. Ce type de lumière est caractérisé par une pulsation ω et un temps de cohérence Δt. L'onde peut être représentée par une sinusoïde seulement sur une durée égale au temps de cohérence. Ce temps est de l'ordre du centième de nanoseconde, ce qui est très grand par rapport à la période d'oscillation du champ, mais très petit par rapport aux temps de réponse des capteurs de lumière. La largeur fréquentielle de la raie est reliée au temps de cohérence par la relation :

ΔtΔf1(1)

La polarisation de l'onde n'est déterminée que pendant une durée égale au temps de cohérence. À l'échelle du temps de réponse des capteurs, l'onde est constituée d'un mélange de polarisations aléatoires.

La lumière quasi monochromatique non polarisée émise par une source ponctuelle est donc une onde électromagnétique dont la polarisation fluctue aléatoirement à une échelle de temps égale au temps de cohérence. D'après le modèle des trains d'onde, elle peut être décrite par le champ électrique suivant (pour une onde plane progressive de direction de propagation z) :

E(z,t)=E0cos(kz-ωt+ψx(t))ux+E0cos(kz-ωt+ψy(t))uy(2)

Les déphasages ψx(t) et ψy(t) ne sont constants que sur une durée de l'ordre du temps de cohérence et varient aléatoirement par saut. Ces deux fonctions étant non corrélées, la différence entre les phases des deux polarisations rectilignes :

Δψ(t)=ψx(t)-ψy(t)(3)

varie aléatoirement à une échelle de temps de l'ordre du temps de cohérence. À l'échelle du temps de réponse du capteur, le champ électrique n'a pas de polarisation déterminée (ni rectiligne ni elliptique). Dans le cas théorique où le temps de cohérence est infini (onde parfaitement monochromatique), le déphasage Δψ est constant et le champ électrique a une polarisation déterminée (rectiligne ou elliptique).

2. Polariseur rectiligne

Un polariseur rectiligne permet d'obtenir une lumière de polarisation rectiligne à partir d'une lumière non polarisée. Il y a plusieurs manières d'obtenir cet effet (biréfringence, réflexion vitreuse, dichroïsme). On s'intéresse ici à la polarisation par dichroïsme. Une lame d'un matériau dichroïque possède deux axes particuliers perpendiculaires, que l'on notera x et y.

../../../../figures/sciphys/tpoptique/polarisation/lameDichroique.svgFigure pleine page

La lame absorbe très fortement la lumière dont le champ électrique a la direction y et laisse passer, avec très peu d'atténuation, la lumière dont le champ électrique a la direction x. Si l'on utilise la décomposition précédente du champ électrique incident sur les deux axes de la lame, on obtient en sortie :

E(z,t)=E0cos(kz-ωt+ψx(t))ux(4)

Il s'agit d'une onde de polarisation rectiligne, parallèle à l'axe x de la lame.

Le polaroid est une lame d'un matériau dichroïque constitué de longues molécules de polymère étirées dans la direction y. Les chaînes de polymère du polaroid sont rendues conductrices par ajout d'atomes d'iodes mais la conduction ne se fait que le long de la chaîne. Il s'en suit une absorption pratiquement complète de l'onde polarisée suivant y. Les lames polaroid sont généralement fixées dans un support qui permet de faire tourner la direction de polarisation. L'inventeur du polaroid est aussi connu pour avoir inventé un procédé de développement photographique instantané, commercialisé sous le nom de marque Polaroid.

On notera p le vecteur unitaire donnant la direction de polarisation, c'est-à-dire celle de l'axe x du polaroid.

Lorsque la lumière incidente est non polarisée, la rotation du polariseur ne produit pas de variation de l'intensité reçue par le capteur, qui est égale à :

I=E022μ0c(5)

Si la lumière est de polarisation circulaire, la rotation du polariseur ne produit pas non plus de variation de l'intensité.

Avec un polariseur rectiligne, on peut facilement vérifier qu'une lumière est polarisée rectilignement car dans ce cas l'intensité transmise dépend de la direction du polariseur et s'annule pour une direction bien précise. Si la lumière a une polarisation elliptique, il y a une variation plus ou moins grande de l'intensité en sortie lorsqu'on tourne le polariseur (pas de variation dans le cas circulaire) mais l'intensité ne s'annule jamais.

3. Polariseur et analyseur

Pour étudier la transmission d'une lumière de polarisation rectiligne dans un polariseur, on considère un montage dans lequel la lumière traverse successivement deux polariseurs. La direction de polarisation du premier est représentée par le vecteur unitaire p . Le second polariseur est appelé analyseur, car il sert à analyser la lumière transmise par le premier. On note a le vecteur unitaire donnant sa direction de polarisation. On représente ces deux directions dans un plan transversal, perpendiculaire à la direction de propagation :

polariseurAnalyseur.svgFigure pleine page

Bien que les polariseurs soient représentés par des vecteurs, seule la direction de ces vecteurs importe : il n'y a aucune différence entre le polariseur p et le polariseur -p .

Le champ électrique de l'onde transmise par le polariseur est :

E1(z,t)=E0cos(kz-ωt+ψp(t))p(6)

À la sortie de l'analyseur, le champ est le résultat d'une projection orthogonale sur la direction a :

E2(z,t)=E0cos(kz-ωt+ψp(t))(pa)a(7)

Si θ est l'angle entre le polariseur et l'analyseur :

E2(z,t)=E0cos(kz-ωt+ψp(t))cosθa(8)

L'intensité lumineuse à la sortie de l'analyseur est donc :

I=E022μ0ccos2θ(9)

L'intensité maximale est obtenue lorsque l'analyseur et le polariseur sont parallèles. L'intensité s'écrit :

I=Imaxcos2θ(10)

Cette relation consitue la loi de Malus (ingénieur et physicien français, 1775-1812), découverte bien avant la théorie électromagnétique de Maxwell (à ne pas confondre avec le théorème du même auteur). Malus a étudié la polarisation de la lumière par réflexion et le phénomène de polarisation par biréfringence.

Lorsque le polariseur et l'analyseur sont perpendiculaires, on dit qu'ils sont croisés. L'intensité lumineuse en sortie est nulle. En pratique, il y a toujours un peu de lumière détectable car les polariseurs ne sont pas parfaits.

4. Lame quart d'onde

La lame quart d'onde (ou lame λ4 ) est une lame biréfringente. Un lame biréfringente possède deux axes perpendiculaires x et y. Une onde polarisée rectilignement dans la direction x traverse la lame avec un indice de réfraction nx. Une onde polarisée rectilignement dans la direction y traverse la lame avec un indice de réfraction ny différent de nx. L'axe dont l'indice est le plus petit est l'axe rapide de la lame, l'autre est l'axe lent. Supposons que l'axe x soit l'axe rapide.

Considérons une onde de polarisation rectiligne qui arrive sur une lame biréfringente d'épaisseur e :

E1(z,t)=E0cos(kz-ωt+ψp(t))p(11)

Pour déterminer l'onde à la sortie de la lame, il faut décomposer le vecteur unitaire p sur les axes de la lame :

p=cos(α)ux+sin(α)uy(12)

Puisque seule la direction de p importe, on peut se limiter à 0α<π . Si la face d'entrée de la lame se trouve en z=0, le champ électrique sur la face de sortie s'écrit :

E(e,t)=E0cos(α)cos(knxe-ωt+ψp(t))ux+E0sin(α)cos(knye-ωt+ψp(t))uy(13)

car k est le nombre d'onde dans l'air.

L'onde s'écrit pour z>e :

E(z,t)=E0cos(α)cos(k(z-e)+knxe-ωt+ψp(t))ux+E0sin(α)cos(k(z-e)+knye-ωt+ψp(t))uy

En conséquence, l'onde en sortie de la lame biréfringente est :

Le déphasage entre les composantes Ex et Ey du champ électrique en sortie de la lame est :

Δϕ= 2πλ(ny-nx)e(14)

Par définition, une lame quart d'onde est telle que ce déphasage est égal à π2 c'est-à-dire que : (ny-nx)e=λ4 . Une lame quart d'onde est réalisée pour une longueur d'onde particulière, le plus souvent située au centre du spectre visible (550 nm).

Pour une lame quart d'onde, l'onde incidente de polarisation rectiligne donne en sortie une polarisation elliptique dont les axes coïncident avec ceux de la lame. Le cas particulier important est celui où α=π4 . Dans ce cas, la polarisation en sortie est circulaire.

polariseurQuartOnde.svgFigure pleine page

Si α=π4 comme représenté sur la figure, la composante du champ Ey est déphasée de π/2 par rapport la composante sur Ex . Le sens de rotation est donc le sens horaire si on regarde en direction de la source. Si α=3π4 , le sens de rotation est direct.

5. Mesure de l'intensité

Pour mesurer l'intensité de la lumière, on utilise une photodiode, dont la réponse spectrale est donnée ci-dessous :

spectreBPW34.svgFigure pleine page

Comme la plupart des photodiodes, celle-ci a un maximum de sensibilité dans l'infrarouge proche. Elle peut être utilisée dans le visible, mais sa sensibilité dans le bleu est très faible.

Une photodiode placée en circuit fermé (avec une résistance) délivre un courant électrique proportionnel à la puissance lumineuse qu'elle recoît sur sa surface (de l'ordre du millimètre carré). Ce courant est donc proportionnel à l'intensité I de la lumière, si la longueur d'onde est fixée. Pour comparer les courants délivrés par deux longueurs d'onde de lumière différentes, il faut tenir compte de la courbe de réponse ci-dessus. Par exemple, à intensité égale, une longueur d'onde 700nm donne un courant d'intensité double de la longueur d'onde 500nm.

Le circuit électronique associé à la photodiode (alimenté par une pile 9V) comporte un amplificateur qui convertit le courant électrique en tension. Cette tension est disponible en sortie entre la masse (borne noire) et la sortie 1 (borne jaune).

ampliDiode-double-filtre-switch.svgFigure pleine page

La conversion courant-tension est assurée par une des résistances que l'on sélectionne avec le commutateur situé dans le boitier. Le maximum de sensibilité (résistance 10) est obtenu avec la bascule 1 enfoncée. Il faut vérifier que le maximum de lumière ne provoque pas de saturation de l'amplificateur (à 9 V). Dans le cas contraire, il faut abaisser la sensibilité en enfonçant la bascule 2.

6. Expérience

6.a. Matériel

  • Banc optique.
  • 5 supports dont un avec crémaillère de réglage transversal.
  • Lampe à vapeur de sodium.
  • Laser vert de longueur d'onde 532nm.
  • Diaphragme.
  • Lentille convergente de focale 20cm.
  • Deux polariseurs.
  • Lame quart d'onde.
  • Écran blanc.
  • Miroir plan pour l'autocollimation.
  • Photodiode avec amplificateur et filtre passe-bas.
  • Multimètre portable avec deux câbles.

6.b. Polarisation rectiligne

Le premier montage optique est constitué, par ordre de traversée par la lumière, d'une lampe à décharge au sodium, d'un diaphragme circulaire D, d'une lentille convergente L1 de focale f1=20cm, d'un polariseur P, d'un analyseur A, et d'un écran blanc E.

montage.svgFigure pleine page

Le diaphragme doit être placé au foyer objet de la lentille convergente, ce qui permet d'obtenir un faisceau de lumière dont les rayons sont à peu près parallèles et d'avoir ainsi une grande quantité de lumière traversant les deux polariseurs. L'ensemble diaphragme plus lentille constitue un collimateur. Le diaphragme est placé juste devant la lampe, de manière à collecter un maximum de lumière.

La position de la lentille L1 est ajustée par la méthode d'autocollimation, qui consiste à placer un miroir plan derrière cette lentille de manière à former l'image de l'ouverture du diaphragme sur son propre plan.

[1] Réaliser le montage et observer sur l'écran la lumière qui a traversé le polariseur et l'analyseur.

[2] Pour une orientation du polariseur fixée, repérer les orientations de l'analyseur qui donnent un maximum et celles qui donnent une extinction.

[3] Refaire l'expérience en fixant l'analyseur et en faisant tourner le polariseur.

[4] Au moyen d'un seul polariseur, constater que la lumière émise par la lampe est soit non polarisée, soit polarisée circulairement.

6.c. Polarisation circulaire

On reprend le montage précédent afin d'obtenir une lumière de polarisation circulaire au moyen de la lame quart d'onde.

[5] Placer le polariseur et l'analyseur en orientations croisées.

[6] Placer la lame quart d'onde entre le polariseur et l'analyseur puis la tourner de manière à avoir extinction en sortie, ce qui n'est possible que si la polarisation rectiligne de l'onde incidente est dans la direction d'un des axes de la lame.

[7] Tourner la lame quart d'onde de 45 afin d'obtenir une polarisation circulaire en sortie de la lame. Vérifier que l'intensité en sortie de l'analyseur ne dépend pas de l'orientation de celui-ci.

La lame quart d'onde permet aussi de vérifier que la lumière émise par la lampe n'est pas polarisée circulairement. En effet, une onde de polarisation circulaire qui traverse une lame quart d'onde devient une onde de polarisation rectiligne. En revanche, une onde non polarisée reste non polarisée.

[8] Placer la lame quart d'onde et l'analyseur puis vérifier que la polarisation en sortie de la lame quart d'onde n'est pas rectiligne.

[9] Que peut-on en conclure sur la lumière émise par la lampe ?

6.d. Vérification de la loi de Malus

Le sodium émet une raie jaune de longueur d'onde λ=589nm, mais aussi une raie infrarouge à environ 800nm. Cette dernière, bien que tout à fait invisible, est proche du maximum de sensibilité de la photodiode. Le polariseur dichroïque ne fonctionne pas bien dans l'infrarouge. Nous allons donc utiliser un laser vert (λ=532nm) pour faire les mesures d'intensité. Avec le laser, le collimateur est inutile puisque le faisceau laser est naturellement collimaté. L'amplificateur de la photodiode doit être réglé sur le calibre 3. On vérifiera qu'il ne se produit pas de saturation (valeur 9 V) lorsque l'intensité est maximale. Afin de bien viser la photodiode, le laser sera placé sur le support avec déplacement transversal.

montage3.svgFigure pleine page

[10] Constater que la lumière du laser est partiellement polarisée.

[11] Choisir une orientation du polariseur donnant un maximum de lumière. Tourner l'analyseur pour obtenir l'extinction. L'angle entre le polariseur et l'analyseur est alors θ=90 .

[12] Faire des mesures de la tension en sortie de l'amplificateur, pour des angles θ variant entre 0 et 180 degrés tous les 5 degrés (en tournant l'analyseur). Attention : l'intensité mesurée est très sensible à la direction du faisceau laser et il faut donc veiller à ne pas perturber les positions initiales du montage du laser et de la photodiode.

[13] Tracer la tension en fonction de cos2θ , sous forme de points marqués.

[14] Conclure, sachant que la tension est proportionnelle à l'intensité lumineuse.

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